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samedi 20 mars 2010

1707 L'opinion religieusement correcte en Provence

Si, à Paris, l'opinion des gens calmes et sensés commençait à ouvrir les yeux sur l'œuvre de fanatisme et de corruption qui se poursuivait en Provence, à Aix et à Toulon, l'esprit de parti continuait à faire rage et la magistrature aidant, la cause du faux Caille était devenue celle de la religion même. Nous ne disons là rien de trop, on en jugera par la pièce suivante, qui fut, au commencement de l'année 1707, répandue par toutes les Églises et Communautés de la Provence. Nous l'avons trouvée à la Bibliothèque impériale parmi les papiers du temps. Elle a pour titre

Lettre circulaire au sujet de la conversion et du procès du sieur de Caille, 
datée à la main du 12 janvier 1707

"Monsieur,

"Vous estes prié de faire prier Dieu dans vostre Eglise pour M. de Caille, Gentilhomme de Provence, désavoué par son Père pour avoir embrassé la Religion Catholique. 
"Après avoir esté reconnu par dix mille témoins oculaires et non suspects dans le lieu de sa naissance, il a esté déclaré le véritable fils de M. de Caille par Arrest du Parlement d'Aix du 14 Juillet dernier. 
"M. Roland, sa partie, s'est pourveu contre cet Arrest au Conseil. Ses moyens de cassation sont si frivoles que quelques uns des principaux Juges l'ont avoué. Cependant les Huguenots font une brigue si terrible, M. Roland a de si puissans protecteurs, et il a tellement prévenu les esprits, qu'il n'y a rien que l'Innocent, qui n'a pour luy que son bon droit, ne doive craindre. 
"Ayez donc s'il vous plait, Monsieur, la bonté de faire prier Dieu, qu'il éclaire les Juges, qu'il empêche que cette injuste prétention ne passe jusque dans leurs esprits et qu'il leur fasse connoître et soutenir la Vérité. On espère que vous ferez d'autant plus volontiers cette grâce à ce Gentilhomme, que c'est icy une affaire de religion et la cause de Dieu même.


C'est ici une affaire de religion et la cause de Dieu même! On reconnaît là les armes habituelles du fanatisme, elles sont vraiment redoutables. Et quand on pense à ce que La Bruyère disait des dévots, dix ans environ avant le commencement de ce procès, il y a lieu d'admirer les magistrats qui oseront résister à cette conjuration de l'injustice et du préjugé religieux