Il ne vous aura pas échappé que l'arrêt du Parlement de Provence faisait état d'un Saint-Martinois, Louis Rey ou Roi c'est selon.
Entendons ce qu'en dit l'avocat du Soldat de marine :
Louis Rey avoit demeuré chez le Sieur de Caille père, en qualité de domestique pendant plus de douze ans; il l'avoit conduit en Suisse & y étoit resté deux ans avec lui. Personne ne pouvoir donc donner plus de lumières sur l'état de l'accusé que ce domestique; aussi ne manqua t-il pas de le reconnoître d'abord & de dire qu'il était aussi bien de Caille que lui étoit Louis Rey. Les 67 & 167è témoins de l'enquête de l'accusé lui ont entendu tenir ce langage. Cependant, après une déclaration si formelle, il change subitement & quand des gens d'honneur lui en font des reproches, il dit pour toute excuse que s'il reconnoissoit l'accusé, il ne se ferait qu'un ami, que s'il dit qu'il ne le connossoit pas, s'en fera cinquante.
Les 15 & 134è témoins déposent précisément qu'il s'en est expliqué avec eux de cette manière.
La subornation est donc certaine, mais le prix de cette subornation n'est pas moins prouvé. Il est constant qu'en 1699, époque du commencement de cette affaire, M. Rolland donna un coin de terre à Louis Rey. M. Rolland, convenant du fait, ajoute qu'il le lui a retiré depuis. Mais il ne fait pas attention que cette précaution, imaginée après coup pour détruire les preuves de la subornation, la met encore dans un plus grand jour. Pourquoi & comment, en effet, l'auroit-il privé de ce qu'il lui avoit donné? Cette restitution, à laquelle rien ne pouvoit contraindre le donataire, ne manifeste-t-elle pas la connivence? Les deux coupables ont consenti à la résiliation d'un acte qui fournissoit une preuve authentique de leur complot criminel. Mais si M Rolland a ôté en apparence ce coin de terre à Rey, il a bien sçu l'en dédommager d'ailleurs. Enfin, il est prouvé qu'outre cette gratification, Louis Rey a encore reçu deux charges de bled, son propre fils en est convenu.
On ajoutera ici la déposition d'une femme, chez qui le fils du sieur de Caille avoit été mis par sa grand-mère, après après avoir été sevré; c'est le 386e témoin.
"LOUISE MONDETE &c a dit avoir connu depuis sa première jeunesse, la famille du sieur de Caille, & fréquenté ordinairement dans sa maison, se souvenant que le sieur de Caille avoit deux filles & un garçon, lequel n'avoit pas dans son enfance beaucoup de santé & auquel on fut obligé de changer cinq à six fois de nourrice, & après avoir été sevré, il fut remis à sa grand-mère, laquelle n'en prenant pas tout le soin nécessaire à un enfant de cet âge, le remettoit par diverses fois à la déposante pour en avoir soin; lequel étant devenu un peu plus grand, fut atteint des écrouelles, qui lui firent quelques ouvertures au bas d'une jambe & se souvient, elle qui dépose, que cet enfant étoit né avec les oreilles collées & prises contre la tête en façon qu'un chirurgien appellé Besson lui fit quelques opérations pour les séparer de la tête, comme sont les oreilles des autres & pansa les écrouelles de la jambe dudit enfant & lui fit quelques incisions. Et n'a pas oublié, elle qui dépose, que le fils du sieur de Caille reçut un coup de pierre au front, sur un de ses sourcils, qui lui fut donné par le sieur Clément & dont il lui resta une petite cicatrice au front & que pendant tout ce tems-là, cet enfant venoit souvent dans sa maison & appelloit la déposante sa mère. Et quand il fut un peu plus grand, on lui donna un précepteur & on l'envoyoit au college & quand le sieur de Caille quitta la province, cet enfant pouvoir avoir environ douze ans, auquel tems de son départ Louis Rey en eut soin & conduisit quantité de hardes qu'on fit charrier dans cette occasion ...
Voyons maintenant le point de vue de l'avocat de la partie adverse :
L'imputation faite au premier n'a d'autre fondement que les dépositions de deux témoins, entendus à la requête du Soldat, le 158e & le 388è qui sont deux gueuses mendiantes.
- La première dépose avoir oui dire à Isabeau Darbes que Louis Rey avait reçu deux charges de bled pour dénier M de Caille.
- La seconde qu'elle a entendu dire à l'enfant de Louis Rey qu'on avait donné à son père deux charges de bled pour l'obliger à nier que le prisonnier fut le véritable fils du sieur de Caille; que son père avait dit qu'il estimoit mieux deux amis qu'un. Quant à l'histoire du coin de terre donné à ce Louis Rey par M. Rolland, il n'y en a aucune trace dans la procédure & il paroît que ce n'est autre chose qu'un trait de l'imagination de l'avocat du soldat.
Au surplus, il est bien certain que ces deux dépositions sont fort éloignées d'établir la preuve d'une subornation
- Isabeau Darbes à qui le premier témoin prétend avoir oui dire le fait n'a point déposé
- Aucun des deux témoins ne nomme M. Rolland
- Benoît Laurent le témoin de l'enquête du soldat a déposé qu'ayant interrogé Louis Rey sur le bruit qu'on faisoit courir qu'il avait reçu deux charges de bled, ledit Rey a toujours nié ce fait & qu'il lui dit que quand il fut à Toulon, il se seroit mis en prison avec le prisonnier s'il l'eut pu reconnaître pour le fils du sieur de Caille.
Cette déclaration déposée par un témoin du soldat lui-même & qui la tient de la propre bouche de celui qui l'a faite, ne détruit-elle pas les ouï-dires des deux autres témoins qui ne parlent que d'après des tierces personnes?
A vous de choisir votre version !
Entendons ce qu'en dit l'avocat du Soldat de marine :
Louis Rey avoit demeuré chez le Sieur de Caille père, en qualité de domestique pendant plus de douze ans; il l'avoit conduit en Suisse & y étoit resté deux ans avec lui. Personne ne pouvoir donc donner plus de lumières sur l'état de l'accusé que ce domestique; aussi ne manqua t-il pas de le reconnoître d'abord & de dire qu'il était aussi bien de Caille que lui étoit Louis Rey. Les 67 & 167è témoins de l'enquête de l'accusé lui ont entendu tenir ce langage. Cependant, après une déclaration si formelle, il change subitement & quand des gens d'honneur lui en font des reproches, il dit pour toute excuse que s'il reconnoissoit l'accusé, il ne se ferait qu'un ami, que s'il dit qu'il ne le connossoit pas, s'en fera cinquante.
Les 15 & 134è témoins déposent précisément qu'il s'en est expliqué avec eux de cette manière.
La subornation est donc certaine, mais le prix de cette subornation n'est pas moins prouvé. Il est constant qu'en 1699, époque du commencement de cette affaire, M. Rolland donna un coin de terre à Louis Rey. M. Rolland, convenant du fait, ajoute qu'il le lui a retiré depuis. Mais il ne fait pas attention que cette précaution, imaginée après coup pour détruire les preuves de la subornation, la met encore dans un plus grand jour. Pourquoi & comment, en effet, l'auroit-il privé de ce qu'il lui avoit donné? Cette restitution, à laquelle rien ne pouvoit contraindre le donataire, ne manifeste-t-elle pas la connivence? Les deux coupables ont consenti à la résiliation d'un acte qui fournissoit une preuve authentique de leur complot criminel. Mais si M Rolland a ôté en apparence ce coin de terre à Rey, il a bien sçu l'en dédommager d'ailleurs. Enfin, il est prouvé qu'outre cette gratification, Louis Rey a encore reçu deux charges de bled, son propre fils en est convenu.
On ajoutera ici la déposition d'une femme, chez qui le fils du sieur de Caille avoit été mis par sa grand-mère, après après avoir été sevré; c'est le 386e témoin.
"LOUISE MONDETE &c a dit avoir connu depuis sa première jeunesse, la famille du sieur de Caille, & fréquenté ordinairement dans sa maison, se souvenant que le sieur de Caille avoit deux filles & un garçon, lequel n'avoit pas dans son enfance beaucoup de santé & auquel on fut obligé de changer cinq à six fois de nourrice, & après avoir été sevré, il fut remis à sa grand-mère, laquelle n'en prenant pas tout le soin nécessaire à un enfant de cet âge, le remettoit par diverses fois à la déposante pour en avoir soin; lequel étant devenu un peu plus grand, fut atteint des écrouelles, qui lui firent quelques ouvertures au bas d'une jambe & se souvient, elle qui dépose, que cet enfant étoit né avec les oreilles collées & prises contre la tête en façon qu'un chirurgien appellé Besson lui fit quelques opérations pour les séparer de la tête, comme sont les oreilles des autres & pansa les écrouelles de la jambe dudit enfant & lui fit quelques incisions. Et n'a pas oublié, elle qui dépose, que le fils du sieur de Caille reçut un coup de pierre au front, sur un de ses sourcils, qui lui fut donné par le sieur Clément & dont il lui resta une petite cicatrice au front & que pendant tout ce tems-là, cet enfant venoit souvent dans sa maison & appelloit la déposante sa mère. Et quand il fut un peu plus grand, on lui donna un précepteur & on l'envoyoit au college & quand le sieur de Caille quitta la province, cet enfant pouvoir avoir environ douze ans, auquel tems de son départ Louis Rey en eut soin & conduisit quantité de hardes qu'on fit charrier dans cette occasion ...
Voyons maintenant le point de vue de l'avocat de la partie adverse :
L'imputation faite au premier n'a d'autre fondement que les dépositions de deux témoins, entendus à la requête du Soldat, le 158e & le 388è qui sont deux gueuses mendiantes.
- La première dépose avoir oui dire à Isabeau Darbes que Louis Rey avait reçu deux charges de bled pour dénier M de Caille.
- La seconde qu'elle a entendu dire à l'enfant de Louis Rey qu'on avait donné à son père deux charges de bled pour l'obliger à nier que le prisonnier fut le véritable fils du sieur de Caille; que son père avait dit qu'il estimoit mieux deux amis qu'un. Quant à l'histoire du coin de terre donné à ce Louis Rey par M. Rolland, il n'y en a aucune trace dans la procédure & il paroît que ce n'est autre chose qu'un trait de l'imagination de l'avocat du soldat.
Au surplus, il est bien certain que ces deux dépositions sont fort éloignées d'établir la preuve d'une subornation
- Isabeau Darbes à qui le premier témoin prétend avoir oui dire le fait n'a point déposé
- Aucun des deux témoins ne nomme M. Rolland
- Benoît Laurent le témoin de l'enquête du soldat a déposé qu'ayant interrogé Louis Rey sur le bruit qu'on faisoit courir qu'il avait reçu deux charges de bled, ledit Rey a toujours nié ce fait & qu'il lui dit que quand il fut à Toulon, il se seroit mis en prison avec le prisonnier s'il l'eut pu reconnaître pour le fils du sieur de Caille.
Cette déclaration déposée par un témoin du soldat lui-même & qui la tient de la propre bouche de celui qui l'a faite, ne détruit-elle pas les ouï-dires des deux autres témoins qui ne parlent que d'après des tierces personnes?
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