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jeudi 15 octobre 2009

1702 Les 182 témoins de M. Rolland

M. Rolland, de son côté, ne demeurait pas inactif. Il faisait rechercher à Aix, à Marseille, à Manosque, à Apt, surtout à Joucas, lieu de naissance de Pierre Mège, tous ceux qui pouvaient avoir connu Mège et Isaac de Caille. Son enquête recueillit cent-quatre-vingt-deux témoignages, en tout cent-quatre-vingt-neuf avec les sept de l'information préparatoire de Toulon.

  • Sur ce nombre, trente-huit affirmaient que le Soldat de marine n'était pas le fils de Caille, affirmation identique à celle des sept témoins de Toulon.
  • Treize témoins, qui avaient participé à des actes sous seing-privé passés par Pierre Mège, reconnaissaient ce Mège dans le Soldat.
  • Treize autres témoins, proches parents de Pierre Mège, n'hésitaient pas à dire en voyant le Soldat:-"C'est là l'homme que nous avons toujours connu comme Pierre Mège, fils de François Mège, cabaretier, faux-monnoyeur, voleur et forçat de galères et de Marie Gardiole."
  • Un grand nombre de voisins, de connaissances, se trouvaient pour raconter toute l'histoire du Soldat, ses métiers divers, ses aventures, ses traits de friponnerie, non pas seulement depuis 1690, époque prétendue de l'évasion du fils de Caille, mais depuis plus de quinze ans.
  • L'un dit : "Il m'a servi de valet; il puisait de l'eau pour mon jardin; je l'employais à peler des oranges. C'est moi qui l'ai porté à faire abjuration aux Jésuites de Marseille". Et, en effet, la signature de ce dernier se trouvait sur l'acte d'abjuration. Et ceci mit sur la trace de deux abjurations antérieures à celle de 1699, aux dates de 1679 et 1681 Quand les temps étaient trop durs, Mège se convertissait pour vivre.
  • Un autre avait engagé Pierre à abjurer, mais cette fois à Apt; il lui avait servi de parrain.
  • Celui-ci déposa que le prétendu Caille, qu'on lui montrait, n'était autre que Pierre Mège, à qui il avait, en 1691, donné deux pistoles pour s'enrôler à sa place.
  • Celui-là dit:" Voilà bien Pierre Mège, qui m'a volé tel jour!"
  • Cet autre :"Cet homme est Pierre Mège, qui vendait des chasubles à Marseille et qui depuis, s'est fait recors pour la capitation et cardeur de filoselle. Nous avons travaillé ensemble ".
  • Plusieurs le signalèrent comme étant ce mauvais sujet de Pierre Mège qui faisait fabriquer par des galériens de fausses commissions d'enrôlement, destinées à escroquer les pauvres qu'il enrôlait.
  • Un le reconnut pour ce Mège qui, à Roussillon, avait poursuivi le pistolet en main dans la sacristie, un prêtre revêtu de ses habits sacerdotaux.
  • C'est lui qui feignait de tomber du mal caduc pour ne pas faire campagne
  • C'est lui à qui j'ai fait l'aumône à son retour du Ponant.
  • C'est lui à qui j'ai vu vendre des drogues et qui se promenait sur le port, un havresac au dos, une croix rouge sur la poitrine, qui s'arrêtait devant notre porte pour nous dire combien il avait gagné en chantant une chanson provençale .
On retrouvait des officiers, des soldats, des employés d'administration de la galère la Fidèle sur laquelle Pierre Mège avait servi en 1676 et en 1695 et ces officiers, ces soldats, et ces employés affirmaient que l'homme de 1676 et celui de 1693 étaient un seul et même personnage.

On retrouvait le notaire Goulet, de Martigues, qui reconnaissait dans le Soldat ce Pierre Mège dont il avait dressé en 1685 le contrat de mariage avec Honorade Venelle. Au total, le prétendu Caille était reconnu pour Mège par cent-trente témoins.

À ces témoignages oraux, dont la qualité l'emportait singulièrement sur celle des témoignages du Soldat, puisque beaucoup des témoins étaient des magistrats, des officiers, des boutiquiers riches et instruits, s'ajoutaient des preuves littérales d'une grande importance. Par exemple, les signalements de Pierre Mège sur ses commissions d'enrôlement de 1676, 1683 et 1687 antérieures par conséquent à la fuite prétendue du fils Caille, étaient absolument identiques aux signalements de quatre autres commissions d'enrôlement, aux dates de 1691, 1694, 1695, et 1697. Et aussi, le Journal domestique de l'aïeul maternel du fils Caille, M. Bourdin, fixant au 19 novembre 1661 la naissance d'Isaac de Caille et dénommant les cinq nourrices qu'avait eues l'enfant : aucun des noms de ces nourrices ne concordait avec les noms des quatre prétendues nourrices, témoins dans l'enquête du Soldat et dont l'une, la femme Martine Esprite, n'aurait eu que sept ans à l époque de la naissance du fils Caille.