Salut.
Entre les grâces infinies qu'il a plu à Dieu nous
départir, celle est bien des plus insignes et remarquables de nous avoir
donné la vertu et la force de ne céder aux effroyables troubles,
confusions et désordres qui se trouvèrent à notre avènement à ce
royaume, qui était divisé en tant de parts et de factions que la plus
légitime en était quasi la moindre, et de nous être néanmoins tellement
roidis contre cette tourmente que nous l'ayons enfin surmontée et
touchions maintenant le port de salut et repos de cet État. De quoi à
lui seul en soit la gloire tout entière et à nous la grâce et
l'obligation qu'il se soit voulu servir de notre labeur pour parfaire ce
bon oeuvre. Auquel il a été visible à tous si nous avons porté ce qui
était non seulement de notre devoir et pouvoir, mais quelque chose de
plus qui n'eût peut-être pas été en autre temps bien convenable à la
dignité que nous tenons, que nous n' avons plus eu crainte d'y exposer
puisque nous y avons tant de fois et si librement exposé notre propre
vie.
Et en cette grande concurrence de si grandes et
périlleuses affaires ne se pouvant toutes composer tout à la fois et en
même temps, il nous a fallu tenir cet ordre d'entreprendre premièrement
celles qui ne se pouvaient terminer que par la force et plutôt remettre
et suspendre pour quelque temps les autres qui se devaient et pouvaient
traiter par la raison et la justice, comme les différends généraux
d'entre nos bons sujets et les maux particuliers des plus saines parties
de l'État que nous estimions pouvoir bien plus aisément guérir, après
en avoir ôté la cause principale qui était en la continuation de la
guerre civile. En quoi nous étant, par la grâce de Dieu, bien et
heureusement succédé, et les armes et hostilités étant du tout cessées
en tout le dedans du royaume, nous espérons qu'il nous succédera aussi
bien aux autres affaires qui restent à y composer et que, par ce moyen,
nous parviendrons à l'établissement d'une bonne paix et tranquille repos
qui a toujours été le but de tous nos voeux et intentions et le prix
que nous désirons de tant de peines et travaux auxquels nous avons passé
ce cours de notre âge.