Il y a ceux qui sont contre :
Sous le consulat de A. Vitellius et de L. Vipsanius, comme il était question de compléter le sénat, et que les principaux habitants de la Gaule appelée Chevelue, depuis longtemps alliés et citoyens, sollicitaient le droit de parvenir aux dignités dans Rome, il s'éleva à ce sujet de vives contestations.
Ils estiment qu'il n'y a pas de problème démographique:
Que l'on n'avait déjà que trop cédé à d'anciens ennemis :Plusieurs, devant le prince même, s'y opposèrent avec force. ils disaient que l'Italie n'était pas assez épuisée pour ne pouvoir fournir un sénat à sa capitale. Les seuls enfants de Rome, avec les peuples de son sang, y suffisaient bien jadis; et certes on n'avait pas à rougir de l'ancienne république; on ne parlait encore que des prodiges de gloire et de vertu qui avaient signalé ces mœurs antiques.
N'était-ce point assez que des Vénètes et des Insubriens [1] eussent envahi le sénat, sans y introduire, en quelque sorte, la captivité elle-même avec cette foule d'étrangers ? Quelles prérogatives auraient donc désormais le peu de patriciens qui restaient, et les sénateurs pauvres du Latium ? Ces nouveaux venus, grâce à leurs richesses, envahiraient tous les emplois, eux dont l’aïeul ou le bisaïeul avait commandé des nations ennemies, taillé en pièce des armées romaines, assiégé Jules César devant Alise. C'étaient là des injures récents; que serait-ce si l'on rappelait le Capitole et la citadelle presque renversées par les mains de ces mêmes Gaulois ? Qu'ils jouissent, puisqu'on a voulu, du titre de citoyens; mais que les décorations sénatoriales, que les honneurs de la magistrature ne soient point ainsi prostitués.
Et puis il y a ceux qui sont pour, dont l'empereur Claude ( Tiberius Claudius Drusus, qui règne de 41 à 54 après J.-C.). Il invoque les précédents historiques, y compris son propre cas, comme pourrait le faire de nos jours un ministre de l'Intérieur ou un ancien président de l'Assemblée Nationale, et les apports des étrangers :
Le prince ne fut pas touché par ces raisons et d'autres semblables, et, ayant convoqué le sénat, il y répliqua sur le champ en ces termes :"Mes ancêtres, dont le plus ancien, Clausus, né parmi les Sabins, reçut à la fois le droit de cité romaine et le titre de patricien, m'exhortent à suivre la même voie, en transportant dans le sénat ce que chaque pays a produit de plus illustre. je n'ignore point en effet qu'Albe nous a donné les Jules, Camerium [2] les Coruncanius, Tusculum [2] les Porcius, et, sans remonter si haut, que l'Etrurie et la Lucanie[3], que l'Italie entière nous ont fourni des sénateurs.Il décrit les bénéfices qui en ont résulté pour les Romains, et la parfaite intégration des descendants :
Enfin, peu content d'adopter des particuliers, nous avons reculé les bornes de l'Italie même jusqu'aux Alpes, afin d'associer au nom roman des nations et des contrée entières.
Ce fut une époque de tranquillité profonde au dedans et de gloire au dehors, quand nous allâmes chercher des citoyens au delà du Pô; quand pour réparer l'épuisement que causait à l'empire le transport de nos légions sur toute la terre, nous y incorporâmes les plus braves soldats des provinces. Regrettons nous d'avoir pris à l'Espagne ses Balbus et à la Gaule Narbonnaise tant d'hommes non moins illustres ? Leurs descendants subsistent encore et leur amour pour cette patrie ne le cède point au notre.
Comme contre exemple, il produit ceux d'Athènes et de Sparte qui avaient sévèrement limité l'accès au corps des citoyens ( il fallait descendre de père ET de mère déjà lacédémoniens ou athéniens, du moins après les lois de Périclès sur la nationalité) , alors même que leur démographie allait s'affaiblissant.
Peuples du latium |
Samnites |
Pourquoi Lacédémone et Athènes sont elles tombées, malgré la gloire des armes, si ce n'est pour avoir toujours exclu de leur sein, les vaincus comme étrangers ? Bien plus sage Romulus, notre fondateur, vit la plupart de ses voisins, le matin ses ennemis, le soir ses concitoyens. Des étrangers ont régné sur nous. Des fils d'affranchis ont été magistrats; et ceci ne fut point une innovation, comme on le croit faussement; ce fut un usage fréquent dès les premiers siècles. Mais les Sénonais nous ont fait la guerre ? Apparemment que les Eques et les Volsques ne nous ont jamais livré de bataille ! Les Gaulois ont pris Rome; mais nous avons donné des otages aux Etrusques, nous avons subi le joug des Samnites.
Encore, si nous parcourons l'histoire de nos guerres, verrons-nous que nulle autre guerre n'a été aussi promptement terminée que celle contre les Gaulois. depuis leur soumission, la paix a été solide et constante. Croyez moi donc , pères conscrits, consommons cette union de deux peuples qui ont des mœurs , des arts, des alliances communes; qu'ils nous apportent leur or plutôt que d'en jouir à l'écart.Pour conclure, un message aux tenants d'une tradition immuable :
En conclusion, comme l'indique Tacite (Annales, liv. XI, ch. XXIII à XXV), Saint-Martin de la Brasque rate l'occasion de produire des sénateurs, il ne se fera qu'une expérience limitée :Ce qu'on croit le plus ancien a été nouveau; Rome prit d'abord ses magistrats parmi les patriciens, puis indistinctement dans le peuple, puis chez les Latins, puis parmi les autres nations de l'Italie. Ceci deviendra ancien à son tour, et ce que nous défendons pas des autorités sera invoqué un jour.
Le discours du prince fut suivi d'un sénatus-consulte, par lequel le droit de siéger dans le sénat fut d'abord conféré aux Eduens[5]. L'ancienneté de leur alliance et le privilège qu'ils ont, seuls des Gaulois, de se nommer frères du peuple romain, leur valurent cette distinction.
[1]Habitants de la région qui se trouve autour des lacs préalpins, du lac de Garde au Verbano
[3]Région de Basilicate
[4]Habitant de Sens
[5]Habitants de la région correspondant aux actuelles Nièvre et Saône et Loire